L‘attention est la meilleure stratégie en matière de sécurité

01 avr. 2016 Facteur Humain
Quel que soit le moyen de transport impliqué, les accidents de la circulation présentent généralement des causes multiples au premier titre desquelles figurent les excès de vitesse, l‘inattention et l‘alcool. La personne au volant constitue dans ce contexte le facteur de risque majeur et c‘est précisément sur ce point qu‘il convient d‘agir afin d‘améliorer encore la sécurité routière. La réalisation de cet objectif passe dans un premier temps par la détermination de l‘aptitude et de la capacité à conduire d‘un point de vue général, mais ce processus concerne également d‘autres aspects, tels que la somnolence diurne, la distraction, les bilans de santé volontaires pour les usagers d‘un âge avancé et la formation à la conduite.
Toute personne qui souhaite se déplacer en tant que conducteur de véhicule sur les routes allemandes doit préalablement prouver son aptitude à la conduite et réussir l’examen obligatoire du permis de conduire. Toutefois, il n’est généralement pas contrôlé avant la délivrance du permis de conduire si un individu est fondamentalement apte à conduire un véhicule. L’article 2, alinéa 4, première phrase de la loi allemande sur la circulation routière (StVG) permet de répondre à la question de l’aptitude d’une personne à la conduite d’un véhicule à moteur. Les termes traduits de ce passage sont les suivants?:?«?Est déclarée apte à la conduite de véhicules à moteur toute personne qui a satisfait aux exigences physiques et mentales nécessaires et qui n’a pas enfreint les règles du code de la route ni les lois pénales de façon grave ou répétée.?»
Par ailleurs, l’article 6, alinéa 1, chiffre 1, lettre c de la loi allemande sur la circulation routière autorise le ministère fédéral allemand des Transports et des Infrastructures numériques à promulguer des règlements relatifs à cette question de l’aptitude à la conduite avec l’aval du Bundesrat (Conseil fédéral allemand). Parmi ces derniers figure le règlement sur le permis de conduire qui mentionne les détails du contrôle de l’aptitude physique et mentale dans les articles 11 à 14, ainsi que dans les annexes 4, 4a, 5 et 6. L’annexe 4 à ce règlement (aptitude et aptitude conditionnelle à la conduite de véhicules à moteur?; articles 11, 13 et 14) comporte un relevé des maladies et des troubles psychosomatiques susceptibles de poser la question d’une éventuelle aptitude. Outre plusieurs maladies et insuffisances particulières, ce dernier fait également référence aux thématiques de l’alcool et des stupéfiants, à d’autres substances aux effets psychoactifs et aux médicaments.

L’aptitude à la conduite face à la capacité de conduire

Dans le cas d’anomalies consignées, comme un trajet effectué en état d’ébriété, ou de certaines affections, telles que le diabète, des maladies cardio-vasculaires ou des troubles psychiques, l’autorité administrative allemande est en mesure d’ordonner une expertise médicale (en vertu de l’article 11 du règlement sur le permis de conduire) ou médico-psychologique (en vertu de l’article 13 du même règlement). Une telle expertise permet aux personnes concernées de lever les doutes éventuellement émis par l’autorité quant à leur aptitude à la conduite. Le contrat relatif à la réalisation d’une expertise est conclu entre la personne concernée et l’un des organismes d’expertise d’aptitude à la conduite de son choix. Toutefois, l’autorité reconnaît uniquement les organismes d’expertise qui travaillent dans le respect des directives techniques et organisationnelles de l’Office fédéral allemand des routes car ces dernières constituent le fondement d’une surveillance régulière. L’expertise médicale ou médico-psychologique réalisée permet de préparer la prise de décision de l’autorité en charge de délivrer les permis de conduire dans le but de savoir si une délivrance, une nouvelle délivrance ou le maintien du permis est justifié(e) compte tenu de tous les aspects liés à la sécurité routière.
Par ailleurs, une expertise d’aptitude à la conduite finit par établir une prévision qui détermine si, en dépit des faits connus des autorités (conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de la drogue, délits ou infractions au code de la route), la personne concernée est en mesure de conduire des véhicules à moteur de façon sûre ou si sa conduite sur les routes constitue un danger Par conséquent, l’aptitude à la conduite se réfère d’un point de vue global aux conditions physiques et mentales qui garantissent une conduite sûre des véhicules. Les notions de manque d’assurance, d’inaptitude et d’incapacité en termes de conduite désignent en revanche un état momentané dont les causes sont susceptibles de présenter un caractère provisoire ou bien permanent. Ainsi, l’article 2, alinéa 12, première phrase de la loi allemande sur la circulation routière permet de déduire que des troubles passagers, tels que la fatigue excessive, ne s’avèrent pas déterminants en ce qui concerne l’aptitude à la conduite si la personne concernée ne conduit pas de véhicule dans cet état (Patermann, 2015).

Statistiques sur l’efficacité de l’examen médico-psychologique

Les résultats de plus en plus probants fournis par les études d’évaluation ont démontré que l’examen médico-psychologique constituait un moyen judicieux de renforcer la sécurité routière. Dans le tout dernier examen d’évaluation intitulé «?EVA-MPU?» (Hilger et al., 2012), les données de l’Office fédéral allemand des véhicules à moteur ont permis d’enquêter sur la procédure dite du sursis légal des conducteurs en état d’ébriété pendant une période de trois ans consécutive à l’examen médico-psychologique. Les nombres de récidives sont compris entre 6,5?% (conducteurs coupables pour la première fois) et 8,3?% (conducteurs récidivistes). Au début de la réalisation de ces études d’évaluation, ces chiffres affichaient des proportions nettement supérieures. Dans une première évaluation relative aux examens médico-psychologiques effectuée par le Dr Stephan dès 1984, les nombres de récidives au bout de trois ans étaient encore de 24,9?% pour le groupe des délinquants primaires et de 16,7?% pour celui des récidivistes. Les triples et multiples récidivistes présentaient même un taux de récidive de 26,7?% à cette époque. L’évolution positive qui tend vers une forte baisse des taux de récidive constitue une preuve de l’efficacité croissante de l’examen médico-psychologique qui est notamment à mettre au crédit d’une application cohérente d’un ensemble de critères scientifiquement fondés dans le but d’évaluer les conducteurs suspects de véhicules à moteur (DGVP et DGVM, 2013).
Par conséquent, l’Allemagne offre la possibilité à un usager suspecté sur les routes de se débarrasser des doutes émis par l’autorité en charge de délivrer les permis de conduire quant à son aptitude à la conduite au moyen d’une expertise de cette dernière (examen médico-psychologique ou expertise médicale). Toutefois, cette autorité ne dispose généralement d’aucun accès aux données relatives aux autres modes de transport. Ainsi, il est possible que le permis de conduire soit retiré à un capitaine de bateau pour conduite en état d’ébriété, mais que ce dernier soit toujours autorisé à diriger notamment des bateaux de croisière. Cette éventualité est également valable pour le transport aérien et ferroviaire. C’est précisément dans ce contexte qu’il paraît donc judicieux d’ouvrir plusieurs réflexions quant à un éventuel «?test de personnalité?», soit un examen d’aptitude personnel qui concernerait l’intégralité des différents modes de transport.
Par ailleurs, les statistiques provenant des États-Unis permettent de comprendre l’importance de la réflexion menée à propos d’un organisme de contrôle médico-psychologique destiné aux personnes. D’après une étude portant sur 1 524 pilotes victimes d’accidents mortels entre 1999 et 2003, 830 d’entre eux (52?%) se trouvaient sous l’influence de l’alcool ou de la drogue (Chaturvedi et al., 2005). Sur les 1 353 pilotes morts lors d’accidents d’avion entre 2004 et 2008, il a été possible de prouver que 507 avaient consommé des drogues et 92 présentaient un taux d’alcoolémie supérieur à 0,4 ‰ (Canfield et al., 2012). De plus, ils étaient très probablement des usagers de la route pendant la période précédant leur accident. L’étude menée par le Conseil américain de la sécurité des transports a également révélé une hausse considérable de la consommation de stupéfiants et de médicaments de la part des pilotes au fil des années.
Selon le règlement allemand sur le permis de conduire, la consommation continue de certains médicaments remet en question l’aptitude à la conduite. Il en va de même pour les maladies telles que le diabète et l’hypertension ou d’autres événements cardio-vasculaires. Les médicaments ingérés dans le cadre de cette étude permettent donc de conclure que les pilotes américains accidentés, au-delà de leur consommation de stupéfiants, souffraient de maladies qui auraient remis en cause leur aptitude à la conduite, pour le moins en Allemagne, sans toutefois entraîner, semble-t-il, une interdiction de vol lors de l’examen aéromédical.
C’est également dans le contexte de la fin tragique du vol Germanwings dans les Alpes françaises le 24 mars 2015 qu’il est désormais logique d’aborder le contrôle de l’aptitude d’une personne présentant des anomalies médicales, psychologiques ou comportementales dans un secteur de transport (routier, ferroviaire, maritime ou aérien), et ce, quel que soit le type de permis de conduire délivré.