Les routes doivent pouvoir pardonner les erreurs

01 juin 2017 Infrastructure
La technologie automobile et le facteur humain sont deux facteurs centraux de la sécurité routière. Une infrastructure efficace et opérationnelle est également essentielle. Il s’agit à cet égard d’éliminer par des mesures d’aménagement des routes et la réglementation de la circulation les facteurs favorisant les accidents et par ailleurs de désamorcer la dangerosité des zones à risque de manière à ce que les conséquences d’un accident soient les plus faibles possibles. Les mesures d’infrastructure ne doivent cependant pas faire négliger le contrôle de la vitesse aux points sensibles aux accidents, les services de secours et une harmonisation aussi large que possible des règles de circulation.
Que l’on utilise un moyen de transport ou que l’on se déplace à pied : quiconque se met en route pour se rendre d’un point à un autre souhaite parvenir au but en toute sécurité et indemne. Le rôle de l’infrastructure à cet égard est essentiel. Les exigences diverses des usagers, les moyens financiers souvent limités pour la planification, l’entretien, l’extension et les nouvelles constructions, mais aussi les aspects de protection de la nature et de l’environnement, les conditions géographiques, géologiques et climatiques, placent les planificateurs devant des défis considérables. Dans le même temps, les améliorations induites par exemple par la télématique routière et les nouvelles possibilités d’une utilisation variable de la chaussée, offrent de nouvelles options.
D’une manière générale, la planification de l’infrastructure et des voies de communication n’est possible que par une démarche sur le long terme. Les nouvelles technologies et les modifications toujours plus rapides dans le comportement de mobilité, avec les transformations du parc roulant qui en découlent, entraînent inévitablement des problèmes. L’utilisation croissante du vélo en zone urbaine en est un exemple. Mises à part la conscience de l’environnement et l’envie de pratiquer une activité sportive, cette évolution s’appuie surtout sur la reconnaissance du fait qu’il est souvent beaucoup plus rapide de se déplacer en ville à vélo qu’en voiture. L’encouragement à la circulation cycliste urbaine constitue donc une démarche positive par de nombreux aspects. Les Pays-Bas ont joué très tôt le rôle de précurseur dans ce domaine en Europe et peuvent s’appuyer aujourd’hui sur un solide réseau de pistes cyclables avec la législation correspondante.

Supprimer le potentiel de conflit entre cyclistes et automobilistes

De nombreux responsables politiques communaux en Allemagne ont compris que, compte tenu de l’air du temps, l’extension de l’infrastructure cyclable est souvent bien accueillie. Mais il est fréquent que l’absence de concepts d’ensemble et la seule volonté de réaliser en un minimum de temps, avec le moins d’argent possible, le plus grand nombre de kilomètres cyclables, sont loin d’entraîner une hausse d’attractivité, de favoriser un vivre ensemble reposant sur la coopération et en définitive d’améliorer la sécurité routière. Des réglementations sans équivoque sur les conditions qui imposent la création d’une infrastructure cyclable et sur les critères minimaux qu’elle doit remplir clarifient la situation pour tous les usagers et engendrent donc un surcroît de sécurité. Il n’est pas partout possible d’effectuer une séparation spatiale entre pistes cyclables et circulation automobile. Ces dernières se rencontrent au plus tard aux croisements et bifurcations, générant un potentiel de conflit. Dans ce cadre, il est indispensable de veiller aux aspects suivants:
  • largeur suffisante de la bande cyclable, convenant aussi aux vélos utilitaires ;
  • distance de sécurité avec les véhicules en stationnement pour réduire le risque provoqué par l’ouverture soudaine de portes de voiture ;
  • une largeur de chaussée restante pour la circulation automobile qui permette de dépasser les vélos avec une distance latérale suffisante ;
  • passage sur un revêtement de chaussée lisse et adéquat, sans bouches d’égout ni rigoles pavées par exemple.
S’il n’est pas possible d’assurer un tracé sûr à la circulation cycliste, il faudra si nécessaire imposer une vitesse maximale appropriée en fonction du taux de vélos et de voitures. Les problèmes pourraient cependant être souvent résolus si l’on cessait de vouloir à tout prix intégrer la circulation cycliste aux rues et axes principaux. La réalisation d’une infrastructure cyclable sur des routes secondaires parallèles, avec une priorité clairement donnée au vélo, permettrait un gain de sécurité pour tous les usagers de la route. Simultanément, des sanctions systématiques doivent veiller à ce que l’infrastructure cyclable ne soit pas rendue inutilisable par des véhicules en stationnement interdit ou par des véhicules de livraison, mais aussi à ce que les cyclistes en fassent un bon usage.

Expériences positives avec barrières et routes 2+1

Les différences de capacité d’accélération, de maniabilité et de vitesse n’interviennent pas seulement dans la sécurité du trafic mixte avec véhicules motorisés, cyclistes et piétons, mais aussi dans le trafic automobile classique. Cela s’applique en particulier aux routes secondaires, qui n’offrent pas ou que peu de possibilités de dépasser en toute sécurité, tout en permettant un lioration de la signalisation et l’élargissement des voies. La mesure centrale consistait à équiper cette portion de route d’un mur de protection en béton séparant les voies de circulation en sens inverse. Résultat : alors qu’au premier semestre 2015, huit accidents avec deux morts, deux blessés graves et trois blessés légers avaient été enregistrés, aucun mort n’était à déplorer pendant la même période de 2016. Dix accidents s’y étaient produits, mais n’avaient fait « que » sept blessés légers.
Des expériences positives avec des barrières centrales entre les chaussées ont également été faites aux USA, par exemple dans le Missouri. Entre 1996 et 2004, environ 380 personnes ont perdu la vie et 2 256 autres ont été blessées sur seulement trois grands axes routiers dans des accidents impliquant le trafic en sens inverse. Les « highways » ont alors été tout d’abord équipées de barrières centrales renforcées en câbles métalliques. Avec succès : d’après les indications du Missouri Department of Transportation, le nombre de tués dans des accidents impliquant des véhicules circulant en sens inverse a baissé, à la suite de cette mesure, de 18 à 24 morts en moyenne par an à un seul.
D’une manière générale, les accidents impliquant des véhicules circulant en sens inverse pourraient être évités par l’extension systématique à des routes à double voie dans chaque sens avec une séparation en dur au milieu. Mais pour des raisons évidentes de protection de l’environnement, d’occupation des sols, de coûts et de besoins réels, cette solution ne serait pas raisonnable. Sur les sections très fréquentées néanmoins, notamment avec une part élevée d’utilitaires, cette variante offre en tout état de cause le plus fort potentiel de sécurité – tout simplement par la possibilité de dépasser pratiquement sans danger.
Le principe mis au point en Suède au début des années 1990 des routes dites 2+1 y a fait ses preuves là où il n’était pas possible ou pas nécessaire d’effectuer une extension complète à deux voies dans les deux sens, mais où il était cependant nécessaire de créer des possibilités de dépassement sûres. Dans cette forme d’extension de la chaussée, les deux sens de circulation disposent en alternance de sections à une puis à deux voies. Le guidage conventionnel 1+1 sur les tronçons intermédiaires varie en longueur entre une transition directe et une transition sur plusieurs kilomètres avec interdiction de dépasser.
Les expériences tirées des tronçons de route ainsi aménagés ont montré que le nombre d’accidents et leur gravité diminuent et que les interdictions de dépassement sont très bien acceptées. Outre en Suède, il existe d’importantes sections de route de cette nature aux USA, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Allemagne. En Suède, les sens de circulation sont en général également séparés par des barrières en câbles métalliques. Le risque de collision frontale est ainsi réduit, mais la discussion sur les risques de blessures vraisemblablement accrus pour les motocyclistes empêche une introduction dans de nombreux autres pays.
Le guidage du trafic 2+1 est par ailleurs intéressant sous une forme modifiée sur les sections de route très fréquentées le matin dans un sens et l’après-midi dans l’autre du fait du trafic pendulaire professionnel. Une utilisation de la voie du milieu en fonction des besoins peut optimiser le flux de la circulation avec une occupation réduite des sols. La direction imposée est alors indiquée soit par des systèmes d’affichage électronique, soit par des parois de protection mobiles. L’exemple le plus connu d’utilisation de séparations mobiles des voies est celui du Golden Gate Bridge reliant San Francisco au Marin County. Les six voies disponibles peuvent ainsi être utilisées selon les besoins dans les variantes 4+2, 3+3 et 2+4. Grâce au déplacement mécanique des éléments de séparation, cette procédure est très rapide, le guidage du trafic est clair et le niveau de protection très élevé. Le système ne convient pas seulement aux ponts, mais aussi à de plus longues sections de route.