Une prise de conscience accrue des risques est impérative
Conduite sous l’emprise de l’alcool, vitesse excessive, distraction due aux smartphones ou à d’autres systèmes de communication électroniques, la liste est encore longue : quand des accidents de la circulation se produisent, le facteur humain joue un rôle tout à fait essentiel. À l’échelle européenne, près de 90 % des accidents sont dus à des erreurs humaines. Il est donc indispensable d’y trouver un remède efficace. La technologie automobile et l’infrastructure routière peuvent certes contribuer à ce que des situations dangereuses ne se produisent pas ou que leurs conséquences soient atténuées. Mais l’être humain joue le rôle principal lorsqu’il s’agit de contribuer à accroître la sécurité routière par un comportement responsable, une bonne appréciation de ses propres capacités et un degré élevé d’acceptation des règles.
Les chiffres font dresser l’oreille : aux USA, d’après la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), une personne meurt toutes les 51 minutes dans un accident dans lequel est impliqué un usager de la route avec une concentration d’alcool dans le sang de 0,8 ‰ ou plus. En 2015, le nombre de morts sur les routes s’élevait à près de 35 100 personnes, dont 10 265, soit près de 30 %, décédaient dans un accident dû à l’alcool (concentration d’alcool dans le sang de 0,8 ‰ et plus). Si ce taux a baissé continûment entre 2006 et 2011, il se maintient depuis, à peu près à ce niveau.
Les choses ne sont pas plus brillantes dans de nombreux autres pays. D’après les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le classement de la liste négative, si tant est que les chiffres des différents États soient déclarés, est conduit par l’Afrique du Sud avec 58 %, suivie par l’Uruguay avec 38 % et le Vietnam avec 34 %. Dans l’Union Européenne, l’alcool au volant a été responsable en 2015 d’environ 6 500 morts, soit à peu près 25 %. Les variations entre les États membres sont relativement importantes. En 2015, l’Allemagne enregistrait 256 morts par accident dû à l’alcool (= 7,4 %), la France 866 (= 25 %). En Estonie et en Lettonie en revanche, près d’un mort de la route sur deux a perdu la vie dans un accident dû à l’alcool.
Prévention primaire avec les éthylotests anti-démarrage
On assiste par conséquent depuis quelques années dans certains pays à des efforts pour implanter une solution technique visant à empêcher les accidents dus à l’alcool : les éthylotests anti-démarrage. Il s’agit de dispositifs anti-démarrage montés dans la voiture, qui n’autorisent le démarrage du moteur que lorsque le contrôle de l’haleine du conducteur n’a pas permis de détecter d’alcool. Cet appareil évite donc la conduite sous l’effet de l’alcool en empêchant qu’une personne alcoolisée ne parvienne à faire démarrer le véhicule.
Les éthylomètres anti-démarrage sont actuellement utilisés à travers le monde pour la prévention primaire et secondaire. Un exemple de prévention primaire par éthylotest anti-démarrage est proposé par une entreprise de transports néerlandaise, qui a fait monter dans tous ses véhicules des anti-démarreurs fonctionnant sur le taux d’alcool de l’air expiré, afin d’imposer à ses conducteurs une politique de tolérance zéro face à l’alcool. Les conditions de travail des chauffeurs de camion, qui conduisent en général livrés à eux-mêmes sous de fortes contraintes de temps, peuvent les inciter à consommer de l’alcool pendant les temps de repos pour se décontracter. Lorsqu’une importante quantité d’alcool est consommée le soir, les taux d’élimination jusqu’au matin sont souvent surestimés, et de l’alcool résiduel peut demeurer dans le sang. Malgré le scepticisme initial de certains conducteurs, qui dans un premier temps avaient le sentiment d’être surveillés, les anti-démarreurs se sont imposés, puisque désormais les conducteurs aussi font preuve d’un comportement plus responsable envers l’alcool. Outre les améliorations directes pour la sécurité des conducteurs et des autres usagers de la route, l’entreprise de logistique a également pu afficher un bilan économique positif, les cas d’incidents avec dommages ayant reculé. Un élément qui présente à son tour un avantage dans les négociations avec les assurances.
Expériences positives en Finlande
On entend par prévention secondaire la mise en oeuvre d’éthylotests anti-démarrage chez les conducteurs convaincus de conduite en état d’ébriété. On parle ici de programmes « pour contrevenants », autrement dit de programmes d’anti-démarreurs éthylométriques pour les conducteurs connus pour des infractions ou ayant encouru des sanctions pénales. Ce type de programme existe aux USA, au Canada et en Australie, ainsi que dans certains pays européens (Finlande, Suède, Norvège, Danemark, Belgique, France, Pologne et, sous forme de projet de recherche, en Autriche). Dans son rapport de l’année 2013, l’administration finlandaise des routes présentait sous forme détaillée ses expériences avec le programme d’éthylotest anti-démarrage. Dans la période sous revue de 2008 à 2012, les véhicules de 1 687 conducteurs étaient équipés d’un éthylotest anti-démarrage. Après une conduite en état d’ébriété, un tribunal décide d’une « période de sursis » d’un à trois ans avec éthylotest anti-démarrage, les coûts d’environ 110 à 160 euros par mois étant en Finlande à la charge du conducteur. Les paramètres réglables sont fixés en fonction de l’application et des dispositions légales en vigueur dans le pays où l’anti-démarreur est utilisé. En Finlande, les appareils ont été calibrés de manière à empêcher le démarrage du moteur en présence d’une concentration d’alcool dans le sang de 0,2 ‰ ou plus. Une telle plage de tolérance est nécessaire, étant donné que la consommation de certains aliments peut entraîner la production de faibles quantités d’alcool par le corps, sans que de l’alcool n’ait été véritablement consommé. Une fois le moteur éteint, il peut être redémarré dans les cinq minutes sans nouvel échantillon d’air expiré.
Lorsqu’un participant ne se conforme pas aux règles du programme d’éthylotest anti-démarrage, par exemple en conduisant un autre véhicule non consigné sur son permis, s’il tente de manipuler l’appareil ou s’il conduit un véhicule en état d’ébriété, le permis de conduire lui est retiré. C’est aussi le cas lorsqu’un conducteur décide de ne plus participer au programme. Sur un peu plus de 19 000 conducteurs finlandais ayant conduit en état d’ébriété en 2012, 511 ont décidé de participer au programme d’éthylotest anti-démarrage. En ce qui concerne le taux de réussite, on retiendra que 5,7 % seulement de l’ensemble des participants au programme s’est fait à nouveau remarquer par de l’alcool au volant pendant ou après l’utilisation de l’anti-démarreur. Le sursis légal est ainsi beaucoup plus efficace que la situation des conducteurs condamnés pour conduite en état d’ébriété sans anti-démarreur éthylométrique, dont 29 à 30 % récidivent en Finlande. Pendant la période d’utilisation, 24 personnes sont décédées des suites, pour 37,5 % d’entre elles, de la consommation d’alcool ou de maladies consécutives liées à l’alcool.