Automatisation dans le transport routier de marchandises
La conduite de camions, en particulier, exige des compétences motrices et cognitives élevées. En raison du poids plus élevé du véhicule et, le cas échéant, du chargement, un conducteur de camion doit, entre autres, conduire de manière beaucoup plus prédictive étant donné que le processus de freinage dure plus longtemps, par exemple en cas de freinage d’urgence. Outre les connaissances factuelles du code de la route, un conducteur routier professionnel en particulier a aussi besoin de compétences cognitives spéciales telles qu’un niveau élevé d’attention, le traitement rapide de l’information et de bonnes aptitudes à l’orientation, mais aussi la capacité de reprendre des perspectives. C’est ainsi que le conducteur d’un camion doit être en mesure de se transposer dans la perspective des autres usagers de la route, par exemple pour pouvoir anticiper des dangers particuliers avant qu’ils ne se produisent. Pour toutes ces exigences, des systèmes d’aide à la conduite peuvent assister les conducteurs.
Particulièrement dans le cas des camions, il convient de s’attendre à ce que la technologie d’automatisation pénètre le marché plus rapidement et à un niveau supérieur. Cela tient entre autres au fait que le législateur prescrit l’introduction obligatoire de systèmes d’aide à la conduite en rapport avec la sécurité lors de la première immatriculation. Par exemple le système de freinage antiblocage (1991), le programme de stabilité électronique (2014) ou le système d’aide au freinage d’urgence (2015). Avec 2,85 % par an, par exemple, le taux d’introduction de l’ACC est légèrement supérieur à celui du système de freinage antiblocage (2,5 %).
En ce qui concerne les exigences de performance d’un conducteur de véhicules (hautement) automatisés, le contrôle de ses fonctions d’attention devrait jouer un rôle central à l’avenir. La surveillance constante des systèmes requise en cas d’utilisation de systèmes automatisés dans le véhicule exige par exemple des compétences particulières pour garantir une attention soutenue, une forme d’attention qui est aussi connue sous le nom de vigilance. Par conséquent, la vigilance doit faire l’objet d’un examen, particulièrement chez les utilisateurs de systèmes d’assistance semi-automatiques et hautement automatisés disponibles dans le véhicule.
De plus, la capacité d’un conducteur à déplacer son attention d’un stimulus à un autre (« shift of attention ») prend de l’importance. Dans ce contexte, la mémoire dite de travail qui ne joue encore aucun rôle jusqu’ici dans l’aptitude à conduire des véhicules à moteur revêt une importance particulière. Selon Baddeley (2012), la mémoire de travail comprend quatre composants :
- 1. L’organe exécutif central qui accomplit des tâches de gestion, d’organisation et de contrôle,
- 2. La boucle phonologique qui traite les informations acoustiques et linguistiques,
- 3. Le bloc-notes visuo-spatial qui est responsable du traitement des informations visuelles et
- 4. Le tampon épisodique qui établit une connexion avec les connaissances sémantiques et épisodiques de la mémoire à long terme.
La tâche de la mémoire de travail est de stocker temporairement des informations et de les manipuler en même temps. Le processus de manipulation la distingue de la mémoire à court terme qui sert seulement au stockage. Ces processus de la mémoire de travail jouent un rôle dans les fonctions exécutives telles que, par exemple, le raisonnement, la résolution de problèmes ou la planification d’actions. Compte tenu du taux d’automatisation plus élevé surtout dans le domaine du transport de marchandises en particulier, il est encore nécessaire d’optimiser la définition des exigences de base (cognitives) envers le conducteur du camion et les dimensions qu’il peut être nécessaire de tester.
Il est déjà prévisible qu’à l’avenir, de plus en plus de sous-tâches de conduite seront transférées par les conducteurs aux dispositifs technologiques installés dans les véhicules. Particulièrement dans le transport de marchandises, l’objectif est de passer de la conduite semi-automatisée, donc de l’utilisation de systèmes d’aide à la conduite, à une conduite hautement automatisée qui permet au conducteur de laisser le contrôle au véhicule, au moins dans certains scénarios tels que la conduite en convois sur les autoroutes ou les routes secondaires. Des projets de recherche correspondants ont déjà été menés à bien ou sont actuellement en cours.
L’automatisation dans le véhicule peut être à l’origine de problèmes de sécurité
Mais avec le développement de l’automatisation dans le véhicule, le rôle du conducteur se transforme : il passe d’un opérateur actif qui conduit le véhicule à un observateur passif. De ce changement de rôle découlent de nouvelles exigences envers le conducteur. Le rôle passif de l’observateur réduit l’attention et l’activation de l’être humain, ce qui, à son tour, peut causer des problèmes de sécurité. Par exemple, un conducteur peut trop se fier au soutien technique du véhicule (même quand son attention a été expressément attirée sur le fait que, malgré l’évolution technique constante, il ne convient pas de s’attendre à court terme à ce que son véhicule soit en mesure de maîtriser tous les scénarios possibles dans la situation de circulation active). La reprise du contrôle du véhicule dans les situations d’urgence est alors particulièrement dificile. On parle ici de problème « out of the loop ». Cela décrit l’état d’un conducteur quand il ne doit pas participer au contrôle du véhicule. Mais un conducteur qui a pu se « déconnecter » temporairement doit reprendre certaines tâches de conduite de manière fiable si le système touche à ses limites, par exemple dans des situations très complexes. Le conducteur doit donc être ramené « in the loop » par le véhicule.
Toutefois, il faut un certain temps avant que le conducteur ne dispose de la conscience nécessaire de la situation pour être en mesure de diriger le véhicule sans faire d’erreur. Un rapport du GDV (Gesamtverband der Deutschen Versicherungswirtschaft, Association allemande des assurances) de 2016 est consacré particulièrement à ce problème de reprise. L’examen de di?érentes études publié dans ce rapport et concernant le temps de reprise nécessaire entre la conduite (hautement) automatisée et le pilotage manuel a révélé des retards de deux à 20 secondes jusqu’à ce que le conducteur ait été en mesure de s’acquitter de la tâche requise. Toutefois, comme le soulignent expressément les auteurs du rapport, les études ne peuvent être comparées que de manière limitée en raison des différentes conditions expérimentales.
À long terme, l’automatisation du véhicule conduit en outre à « oublier » de nouveau les compétences acquises ou elle empêche même totalement de les acquérir. Cet effet prend une importance particulière quand un conducteur doit piloter un véhicule manuellement, par exemple parce qu’une fonction automatique est défaillante ou qu’il s’agit d’une voiture de location moins automatisée. Pour lui, il s’agit en soi de situations critiques et/ou exigeantes dans lesquelles il devrait avoir recours en même temps à des comportements auxquels il ne s’est pas beaucoup entraîné. En raison de la réduction connexe de la pratique active de la conduite, on peut conclure que le conducteur de l’avenir aura un comportement moins basé sur les compétences pour lequel une certaine expertise est nécessaire.
Conclusion : certes, la conduite de véhicules (hautement) automatisés a le potentiel nécessaire pour prévenir les accidents, mais les utilisateurs de ce genre de systèmes doivent répondre à certaines exigences, en particulier relativement à leurs performances cognitives qui ne sont pas testées jusqu’ici. De plus, l’utilisation régulière du « pilote automatique » dans le véhicule recèle par exemple le danger que les conducteurs perdent leurs capacités à conduire de manière conventionnelle. Il convient également de tenir compte du temps de retard lors de la reprise du contrôle par le conducteur.